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Oct 23rd
Le bonheur d'habiter le pays Imprimer Envoyer
Opinion
Écrit par Pierre Lauzon   
Dimanche, 02 Octobre 2011

Quand nous avons besoin de prendre le large parce que la routine nous pèse lourdement, parce que nous avons soif de nouveaux horizons, parce que nous avons tout simplement besoin de vacances, nous savons tous qu’il n’y a rien de mieux que le dépaysement pour y arriver. Nous plions alors bagages et nous mettons le cap vers une destination différente de notre réalité le temps de quelques jours ou de quelques semaines, le temps d’apprécier finalement notre chez-nous.

Mais connaissez-vous le paysement ? Non, ne cherchez pas dans votre dictionnaire ! Ce mot n’y est pas. C’est un mot inventé pour nommer justement ce qui serait le contraire du dépaysement, une espèce de voyage dans notre propre pays, dans notre univers intime et si proche que trop souvent nous ne le voyons plus. C’était également le titre du programme ou du menu musical concocté par le baryton, Charles Prévost, et le pianiste, Francis Perron, dans le cadre de la programmation des Diffusions Amal’Gamme. En ce premier samedi frisquet d’octobre, appuyé par le partenariat du député de Prévost, monsieur Gilles Robert, notre diffuseur laurentien nous avait conviés à une soirée où les chansons, la musique et les poèmes de notre grand chantre national, Gilles Vigneault, prendraient exceptionnellement une place de choix. En cette période sombre pour le Québec où un chef d’état refuse de se comporter en chef d’état, où les porteurs d’un très grand projet collectif, celui-là même qui est au cœur de l’œuvre de Vigneault, ne trouvent rien d’autre à faire que de le bousiller dans des querelles internes sans fin, un tel programme a de quoi faire du bien à notre âme de Québécois et de Québécoises.

C’est donc dans une salle presque complètement remplie que Charles Prévost, un jérômien de naissance et dont les ancêtres sont à l’origine de la municipalité actuelle de Prévost et des efforts de colonisation des Laurentides, et Francis Perron, un sherbrookois de naissance, se sont présentés à nous pour tenter d’installer un climat particulier avec un univers musical qui nous est tout à la fois si familier, mais beaucoup trop absent de nos ondes de tout acabit.

Presque d’entrée de jeu, Charles Prévost a d’ailleurs voulu préciser les balises nécessaires à bien vivre cette ambiance musicale en soulignant la recherche d’une certaine gêne de notre part pour les applaudissements afin de permettre l’enchaînement souhaité entre les chansons et les poèmes de Vigneault. Ce ne fut pas toujours facile pour le public de saisir si oui ou non il pouvait souligner son appréciation.

Ceci étant établi, nos deux artistes au talent musical indiscutable nous ont offert du Vigneault avec une dimension encore plus relevée. Si les poèmes ont occupé une place de choix, il va sans dire que les « Mon pays », « Pendant que », « Si les bateaux », « J’ai pour toi un lac », « Il me reste un pays » ou « Quand vous mourrez de nos amours » ont su combler nos cœurs de québécois meurtris actuels. Il faisait vraiment bon de revisiter ces bijoux de notre patrimoine trop souvent boudés, pour ne pas dire oubliés. Ce n’est pas sans raison que Gilles Vigneault a dit à Charles Prévost qu’il avait la voix que lui aurait voulu avoir pour chanter ses « affaires ». Cet ex-Sinner d’une autre époque déjà très lointaine a su donner de la chaleur et un surplus de beauté à ce qui est déjà beau à la base. Son pianiste, Francis Perron, a su avec doigté accompagner les œuvres de Vigneault ou de les mettre en évidence à l’occasion.

Ce qui est venu quelque peu gâter la sauce ou le menu, c’est ce besoin qu’ont eu nos deux artistes de faire deux pauses dans leur spectacle au lieu d’une seule comme d’habitude. Cette cassure inexpliquée, environ une demi-heure après la mise en ambiance des œuvres de Vigneault, a quelque peu refroidi cette soirée si bien partie. C’est comme être obligé de raviver le feu déjà bien parti parce qu’on l’a négligé ou refroidi suffisamment longtemps.

Si ce n’était que cela, j’aurais fait avec, comme on dit. Malheureusement comme si l’œuvre complète de Vigneault ne suffisait pas à remplir un menu musical pour toute une soirée (surprenant !), nous avons eu droit, après la deuxième pause, à douze autres chansons, neuf mélodies françaises et trois mélodies tirées de l’œuvre de l’oncle de Charles Prévost. Vigneault nous avait, semble-t-il, quitté à l’entracte. Sa magie n’opérait plus. Probablement que les amateurs d’art lyrique, ce qui n’est pas vraiment mon cas, ont apprécié ce complément de programme, mais, en ce qui me concerne (et je ne suis sûrement pas le seul), j’avais franchement hâte que cela se termine.

Quand je suis invité à un repas où on me précise que les fruits de mer seront à l’honneur, si mon hôte m’en sert un peu, mais qu’il m’a réservé des surprises où un bon steak est également du menu, je serai déçu de cette espèce d’entourloupette. Il en va de même pour un repas musical. Si c’est du Vigneault uniquement qui est annoncé, je m’attends à déguster que du Vigneault. Sinon, il faut le dire avant. Ce n’était tellement pas annoncé que les douze pièces ne figuraient même pas dans le programme de la soirée, si ce n’est qu’il y aurait un complément.

Peut-être que Charles Linton et Francis Perron ont craint de ne pas nous rassasier. Si c’était le cas, il fallait continuer à puiser dans l’offre immense et généreuse de Vigneault. Nous étions capables d’en prendre encore une bonne portion. Le temps aurait été moins gris en quittant.

Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour

P.S. : Pour apprécier Vigneault à la saveur Prévost-Perron, cliquez sur ce lien :
http://www.charlesprevostlinton.com/Musiques.html .