Trop peu de gens ont répondu à l’invitation des diffusions Amal’Gamme de venir entendre le Michel Dubeau Quartet à l’église Saint-François-Xavier, à Prévost. Pourquoi? Où étaient les jeunes? On prétend trop souvent que les gens en vieillissant sont de plus en plus difficiles à faire sortir de leur maison en soirée. Pourtant, à Prévost, la moyenne d’âge était nettement au-delà de la cinquantaine. Que faisait la jeunesse laurentienne en ce dernier samedi de septembre? Où étaient les gens dans la trentaine, dans la quarantaine, reconnus pour être des assoiffés de jazz?
Ce n’est pourtant pas le talent qui manquait à ce premier rendez-vous de la nouvelle saison de cet important diffuseur de spectacles dans les Laurentides. Michel Dubeau en tête n’est pas le dernier venu dans notre univers musical. Sans le savoir, vous l’avez sans doute entendu sur la musique d’Un homme et son péché de Charles Binamé ou dans les musiques de séries télévisées comme Omerta, Tag ou Bunker le cirque. L’année dernière, il accompagnait Gilles Vigneault dans sa tournée européenne. C’est sans parler de ses incursions multiples dans de nombreux univers musicaux, dont le jazz.
Cet instrumentiste à vent (saxophoniste, flûtiste, clarinettiste, différents instruments d’origine ethnique) nous avait donné rendez-vous avec ses complices en ce 26 septembre pour explorer l’univers du grand Wayne Shorter, ce grand saxophoniste et compositeur de jazz américain qui a travaillé pendant plusieurs années avec le grand Miles Davis. Malgré une blessure à l’auriculaire de la main droite, Michel Dubeau a su envoûter son auditoire à travers la quinzaine de pièces musicales au menu ce soir-là. Même pour un spectateur non initié, Michel Dubeau s’impose par sa virtuosité à travers ses différents instruments à vent. Ses deux interprétations, entre autres, avec le shakuhachi, une flûte japonaise, ont charmé l’auditoire. Nous étions littéralement transportés dans un univers zen très particulier. Tout ce spectacle était à la fois calmant et énergisant.
Pour le seconder, il y avait Andrée Boudreau, cette gaspésienne d’origine, qui enseigne au Collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, dans le programme « Technique professionnelle de musique et chanson ». Cette pianiste de très grand talent baigne dans la musique depuis son tout jeune âge. Après sa mère qui lui enseigne le piano jusqu’à l’âge de quinze ans, c’est au Conservatoire de musique de Rimouski et de Québec qu’elle va perfectionner son talent, en plus de cours privés avec la grande pianiste et compositeure de jazz montréalaise, Lorraine Desmarais. Plus elle avance, plus elle se démarque dans l’univers du jazz au Québec et ailleurs sur notre belle planète.
En ce samedi de septembre, elle a fait encore sa marque. Elle n’est nullement passé inaperçue. Elle a su charmer autant Michel Dubeau que l’auditoire par ses interprétations toutes en nuances. Donnant très souvent le signal de départ d’une pièce musicale, elle était une présence très forte aux côtés de Michel Dubeau, sans pour autant l’écraser, mais avec beaucoup de doigté et de finesse. Elle était un pilier très important de ce quartet. C’est sûrement un nom dont vous entendrez parler de plus en plus dans notre univers musical du jazz.
Deux autres comparses complétaient avec brio ce quartet. Premièrement, Richard Dupuis, un bassiste de très grand talent qui enseigne lui aussi au Collège Lionel-Groulx, depuis 1993. Il a accompagné de très nombreux artistes de chez nous. Lui aussi, il navigue dans de nombreux univers musicaux. À chaque fois, il sait tirer son épingle du jeu et apporter la touche subtile qui est la marque de tout grand bassiste. Puis, il y avait Danny Richard qui a su compléter à merveille le quatuor musical à la batterie. Même s’il a été appelé à pied levé pour remplacer le batteur habituel du quartet de Michel Dubeau, il a su compléter la trame musicale du groupe avec justesse. Si Michel Dubeau ne nous l’avait pas dit, nous aurions cru que Danny Richard faisait partie du groupe depuis longtemps. Pour jouer brillamment avec des interprètes du talent des autres membres, il faut aussi en avoir au départ. C’est évident.
Donc, comment se fait-il que si peu de gens ont répondu à l’invitation? Parce que, de toute évidence, nous ne sommes attirés que par les grands noms médiatisés? Parce que ce spectacle avait lieu dans une église et que nous ne voulions pas passer une soirée sur des bancs durs d’église? Parce que, si ce n’est pas dans une grande salle, cela doit être plus ou moins bon? Parce que la récession nous empêche d’aller voir un spectacle qui coûte cher? Si c’est ce que nous croyons, nous faisons fausse route sur toute la ligne.
Premièrement, même si les spectacles du diffuseur Amal’Gamme ont généralement lieu à l’église Saint-François-Xavier, à Prévost, cette année, cela ne signifie nullement inconfort. Au contraire, ce sont des chaises très confortables qui nous attendent. Deuxièmement, les prix sont très abordables. Essayez d’aller voir un spectacle dans une grande salle pour environ vingt dollars et moins (généralement 6$ pour les moins de 12 ans)? C’est une denrée rare. À Prévost, c’est monnaie courante. C’est sans parler de l’accueil chaleureux (on nous sert même des petits biscuits à l’entracte!) et du talent assuré au programme tout au cours de l’année. Que demander de plus???
C’est fou ce qu’il y a du talent que nous ignorons dans notre coin de pays! Laurentiens et laurentiennes, sortons de nos sentiers battus! Le groupe de Diffusions Amal’Gamme ( http://www.diffusionsamalgamme.com ), des passionnés avant tout de la musique de tous les horizons depuis 25 ans, nous a concocté une programmation 2009-2010 très prometteuse. Le prochain rendez-vous est le jeudi, 1er octobre, à 19:30 hres, pour entendre le grand pianiste et compositeur Alain Payette. J’y serai. Y serez-vous? Ne passez pas à côté du talent sans le savourer!
Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour