C’est incroyable le nombre d’artistes de très grand talent de chez nous qui sont méconnus du grand public. Quand nous sommes dans notre petit cocon douveteux à regarder la télé, à nous reposer d’une dure journée de travail ou occupés à un de nos passe-temps, nous n’imaginons pas, disons plutôt que nous ne pensons pas qu’au même moment, il y a des artistes très talentueux de chez nous qui livrent leur art un peu partout ici, au Québec, ou ailleurs devant assez souvent quelques dizaines de connaisseurs ou de monsieur et madame Toutlemonde. Ils et elles sont là parce que des gens, bénévolement ou non, qui croient dans l’importance de leur offrir une scène et un public, si petit soit-il, pour que leur art vive. Les Diffusions Amal’Gamme sont de cette race d’ouvreurs d’art qui nous ouvrent des fenêtres sur des créateurs et des artistes de très grand talent.
Jeudi, le 1er octobre, c’est à Alain Payette que la scène de l’église Saint-François-Xavier offrait l’occasion de continuer à faire connaître ses œuvres. Alain Payette est certes très connu des connaisseurs de la musique sous toutes ses formes, autant ici qu’ailleurs. Ce québécois d’une cinquantaine d’années est pourtant très méconnu du grand public. Car, si ses œuvres séduisent dès la première écoute, il est de la race des discrets, de ceux qui sont des coureurs de fond qui ne gagnent pas une des médailles à l’arrivée, mais qui sont de la race des grands qui sont là eux aussi à l’arrivée après un long marathon. Comme aux jeux olympiques, le peuple ne retient que les grands gagnants, ceux qui sont le plus médiatisés. Comme si les autres avaient moins de talent!
De plus, Alain Payette a moins le sens du spectacle que d’autres. Il est moins flamboyant. Ce qui ne veut pas dire que c’est pour autant un interprète froid, sec, sans âme. Au contraire, il a beaucoup de charisme tant dans les interprétations de ses œuvres ou de celles des grands auteurs, que lorsqu’il s’adresse avec chaleur au public entre ses interprétations. Il est de la race des charmeurs discrets qui savent toucher le cœur des gens plus en profondeur.
En ce début d’octobre, Alain Payette a su toucher tous les gens présents à l’église Saint-François-Xavier, à Prévost. Il était accompagné de son ami et grand complice, Donald Pistolesi, au violoncelle. Cet américain d’origine qui est venu s’installer à Montréal, il y a plus de trente ans, et qui a travaillé avec de nombreux orchestres symphoniques, dont celui de Montréal et celui des Grands ballets canadiens pendant près de trente ans. Ce grand connaisseur et pédagogue n’est donc pas non plus le dernier venu dans notre univers musical.
Alain Payette a offert une surprise à son auditoire de Prévost. Même s’il n’était pas annoncé sur l’affiche et les invitations des Diffusions Amal’Gamme, Jules Payette, nul autre que le fils même d’Alain, s’ajoutait avec brio à quelques œuvres de son père au saxophone. D’ailleurs, Alain Payette n’a pas manqué de souligner après l’interprétation de son œuvre, Pièce douce no 1, qu’il a composée pour séduire la femme de sa vie, que c’était aujourd’hui le résultat concret de cet amour qui l’avait accompagné. Quel beau retour aux sources mêmes de l’œuvre! Le fils Jules a certes un avenir aussi prometteur que son digne père. Qui sait, dans un avenir pas si lointain, ce sera peut-être Jules Payette qui sera la vedette d’un des spectacles de Diffusions Amal’Gamme, accompagné de son père!
La quinzaine d’œuvres que nous a offerte Alain Payette était majoritairement les siennes. Il a aussi interprété des œuvres de Tchaikovsky, de Schubert, de Dvorak, entre autres, comme si ses seules œuvres en elles-mêmes n’avaient pas la capacité de captiver le public durant tout un concert. À ce chapitre, il manque d’audace. Je vous l’ai dit, il est de nature discrète. Habituellement, quand on parsème des œuvres plus connues dans un concert, c’est pour mieux faire accepter d’autres œuvres plus difficiles ou pour un public plus averti. En ce 1er octobre, Alain Payette n’avait nullement besoin de l’aura de grands auteurs pour mieux faire passer ses créations personnelles. Je suis convaincu que tous les gens présents dans la salle de l’église Saint-François-Xavier auraient été aussi heureux et comblés si ce n’avait été qu’une soirée Alain Payette. Le talent de ce grand compositeur québécois suffisait pour que mission soit accomplie. Ce ne sont pas les œuvres des autres qui ont conduit le public à Prévost. C’est de faire connaissance avec un artiste choisi avec soin et brio par le diffuseur qui a gagné le cœur des gens qui se sont déplacés en cette soirée d’automne. Alain Payette a fait le reste. Il a conquis son auditoire qui, pour la plupart, ne le connaissait peut-être pas encore.
À travers les mélodies, les créations surtout d’Alain Payette, de tendres bonheurs ont envahi la salle prévostoise. Samedi, le 10 octobre prochain, ce sera cette fois la passion qui sera au rendez-vous, la passion tzigane avec la voix et le violon de Sergeï Trofanov. C’est au Chalet Pauline-Vanier, à Saint-Sauveur, que cette passion s’exprimera, nous envoûtera certes, pour notre plus grand bonheur, encore une fois.
Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour