Je ne sais pas si vous avez constaté comme moi, mais en musique, c’est un peu, beaucoup comme dans la vie. Les gens qui sont grands et/ou gros cherchent le plus souvent à passer inaperçus, alors que les plus petits prennent souvent toutes sortes d’astuces pour se faire remarquer. Autant les uns ont l’impression de n’avoir nullement besoin d’en rajouter pour faire sentir leur présence, autant les autres ont nettement le sentiment d’être trop souvent ignorés.
En musique, il en va de même. Les gros instruments comme le piano ou les percussions ne sentent nullement le besoin de prendre le plancher de la scène musicalement, car déjà, au départ, ils s’imposent physiquement avant même de s’exécuter. Les instruments plus petits comme la plupart des différentes flûtes ou le violon, entre autres, cherchent à s’imposer dès l’entrée en scène, ne serait-ce que par leur sonorité. Ils cherchent très souvent à pousser la note et semblent craindre de se noyer dans l’univers musical en jeu. Dans la vie, les petits, que ce soit, par exemple, à l’école ou pour une prise de photos, on cherche toujours à les placer en avant pour qu’ils ne disparaissent pas dans le groupe, pour que l’on ne puisse pas les ignorer. En musique, il en va de même. Sauf s’il n’est là que pour accompagner un autre instrument, vous ne verrez jamais un petit instrument derrière ou en retrait d’un piano ou d’un ensemble de percussions. Le violon se place à l’avant et relègue le piano à l’arrière-plan.
Pour ce dernier samedi de février, les Diffusions Amal’Gamme nous avaient donné rendez-vous à la salle de l’Église Saint-François-Xavier de Prévost avec un duo de musiciennes au menu. Le duo AVA, nom composé à partir des prénoms des deux artistes, soit Andrée-Anne Perras-Fortin, pianiste, et Véronique Mathieu, violoniste, est la réunion de deux artistes de très grand talent. Autant l’une que l’autre ont déjà une feuille de route musicale très remarquable malgré leur jeune âge.
Andrée-Anne Perras-Fortin vient tout juste de terminer un doctorat en interprétation du piano au Cleveland Institute of Music. Depuis le début de sa formation au Conservatoire de musique de Québec, sa ville natale, jusqu’à ce doctorat, elle n’a cessé de remporter de très nombreux prix et de se faire remarquer au point où elle était déjà invitée à se produire comme soliste avec orchestre dès l’âge de treize ans. Elle fut lauréate de nombreuses bourses. En plus de donner des récitals un peu partout à travers le monde, seule, avec le duo AVA ou avec son mari, aussi pianiste. Elle a du talent à revendre ou à partager, ce qu’elle fait par son enseignement du piano en plusieurs lieux ou comme membre invité de jury pour divers concours et examens musicaux.
Véronique Mathieu n’est pas en reste Elle aussi resplendit de talent. Avec son violon, un Dominicus Montagnana de 1715, instrument évalué à environ 800 000$, prêt du Conseil des Arts du Canada, elle s’impose par ses interprétations de très haut calibre. Tout comme sa consœur, elle a une haute formation musicale. Elle termine présentement ses études de doctorat à l’Université d’Indiana. La reconnaissance de son très grand talent par le milieu musical l’a amené à gagner de nombreux prix, à se mériter de nombreuses bourses, à recevoir plusieurs invitations pour se produire un peu partout à travers le monde. En plus de faire partie du duo AVA, elle est régulièrement soliste pour des ensembles musicaux et est membre du Trio Micheletti et de groupes de musique contemporaine. Si son passé est déjà très riche d’expériences, son agenda pour les mois et les années à venir est aussi très chargé et prometteur de très belles aventures musicales.
En ce samedi de giboulée qui a semé sans doute des craintes chez plusieurs mélomanes, car nous étions trop peu nombreux à avoir répondu à l’invitation, même si le talent était nettement au rendez-vous, nous avons eu droit à du Corelli, du Saint-Saëns, du Ravel, du Mozart, du Brahms, du Heather Schmidt, du Clara Schumann, et même du Astor Piazzolla. Le menu était très relevé et avait de quoi répondre à tous les goûts.
Mon seul bémol est que j’avais rendez-vous avec un duo. Tout au long de la soirée, j’ai plutôt eu l’impression que le rendez-vous était avec une violoniste talentueuse, accompagnée d’une pianiste tout aussi talentueuse. Ce n’est pas la même chose. Quand on va à la rencontre d’un duo, ce n’est pas la même chose que lorsqu’on assiste à un spectacle d’un musicien en vedette qui se fait accompagner par un ou plusieurs musiciens afin de mettre davantage en valeur ses interprétations, ce qui se fait régulièrement. Samedi soir, c’est le violon qui occupait toute l’avant-scène, tant physiquement que musicalement, laissant le piano au second plan. Heureusement, au retour de l’intermission, nous avons eu droit à une interprétation en soliste d’Andrée-Anne Perras-Fortin pour nous permettre de prendre toute la pleine mesure de son talent dans une œuvre de Maurice Ravel.
Qui suis-je pour me permettre un ou deux petits conseils à des artistes si talentueuses? En tant que simple mélomane, j’apprécierais à l’avenir que l’ensemble du menu musical du duo soit mieux réparti entre les deux instruments pour que l’un et l’autre aient sa part de soleil, de lumière. De plus, si le violon vibrait aux côtés du piano plutôt qu’à l’avant, nous aurions plus le sentiment que nous sommes en présence d’un duo. Cela n’enlève rien au talent, mais cela répond davantage aux attentes de mélomanes.
Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour