Connaissez-vous l’expression « advienne que pourra » ? Elle signifie que l’on se résigne à accepter les conséquences de ce qu’il peut ou doit arriver. Samedi soir dernier, c’est un peu beaucoup le sentiment que j’avais l’impression d’avoir vécu, en sortant du spectacle de l’Ensemble Transatlantik Schrammel, à Prévost. Je venais d’accepter les conséquences de ce qui venait de m’être présenté, c’est-à-dire le moins bon spectacle de ce que j’ai eu l’occasion de voir depuis trois ans que je couvre la programmation des Diffusions Amal’Gamme, un spectacle à l’enseigne de l’improvisation et même de la fausse représentation. Je ne serais pas surpris que la direction de notre diffuseur laurentien n’y soit pas allée, elle aussi, de surprises en surprises.
Premièrement, le spectacle annoncé était l’Ensemble Transatlantik Schrammel, un quatuor de chez nous qui offre un tour d’horizon de la musique Schrammel, du nom de deux frères viennois qui ont donné un nouveau ton aux musiques folkloriques autrichiennes, via les valses et les polkas de ce coin de pays. On nous invitait à revivre la chaleureuse ambiance des cafés et tavernes de la vieille Vienne. De ce côté-là, je dois admettre que l’effet fut très réussi. En effet, la demande des artistes pour que les réflecteurs à halogène restent allumés tout au long du spectacle, afin qu’ils puissent voir leur public, donnait déjà cette atmosphère de taverne. Il ne manquait que la bière ou presque. Cette lumière blanche, si crue, si impersonnelle, n’était déjà pas la trouvaille du siècle. En voulant faire original, ce quatuor a mal mis la table pour la suite. Cet ensemble est habituellement constitué de trois femmes et d’un homme, Jean Deschênes, le directeur artistique du groupe. Samedi soir, une d’entre elles manquait à l’appel pour des raisons de santé. Cela arrive. Il n’y a pas de problèmes à ce niveau, d’autant plus que le remplaçant à pied levé s’est acquitté de sa tâche avec succès.
Maintenant que tout est prêt, le spectacle peut commencer. Dès la présentation de la deuxième pièce au programme, un programme qui ne fut pas respecté parce qu’aux dires de monsieur Deschênes un programme écrit, c’est fait pour que l’on se rende compte qu’il n’est pas respecté (subtil !), avec une pointe d’humour, le directeur de l’ensemble nous avertit que cette seconde pièce est très représentative de la musique Schrammel et que si nous n’aimons pas cela, il comprendra que nous voulions quitter immédiatement la salle. Toute une soirée excitante en perspective !
Puis surprise, tel un magicien qui sort non pas un lapin, mais deux lapins de son chapeau, Jean Deschênes nous annonce la participation d’un baryton viennois et d’une artiste siffleur. Dans mon livre à moi, comme certains disent, quand on annonce la participation d’un ou plusieurs artistes surprises, je ne m’attends pas à ce que ce soient les véritables vedettes de cette soirée. Car, au lieu de parler du spectacle de l’Ensemble Transatlantik Schrammel, il y aurait été plus juste de parler du spectacle de Peter Hana, avec la participation de l’Ensemble Transatlantik Schrammel. Quand, autant en première partie qu’en deuxième partie, c’est monsieur Hana qui occupe très majoritairement l’avant-scène, c’est comme si ce quatuor reconnaissait d’emblée qu’à eux seuls ils ne pouvaient conquérir les gens venus les entendre.
La présence de monsieur Hana a sans doute sauvé les meubles. Je ne suis pas sûr que l’ensemble invité aurait réussi seul son rendez-vous musical. La bonhommie et l’interprétation colorée de ses chansons, tout comme son charme tout viennois qui a opéré auprès de plusieurs dames, ont contribué à enrichir cette ambiance viennoise. L’artiste siffleur qui accompagnait souvent monsieur Hanna et non le quatuor, et qui s’est même livré à une brillante interprétation solo, est madame Lise Savard. Il est toujours impressionnant de voir et d’entendre une telle artiste qui siffle avec autant d’élégance et de savoir-faire, alors que, pour nous, il est très difficile de siffloter « Frère Jacques ».
Si ma conjointe et moi, nous avons très peu apprécié cette soirée, je dois reconnaître que d’autres l’ont savourée avec un plaisir évident. Cette ambiance de taverne a plu à plusieurs, au point d’entraîner certains à parler fréquemment. Un monsieur s’est même permis d’essayer d’imiter, sans succès évidemment, madame Savard. Tel un rassemblement dans un café ou une taverne viennoise, l’atmosphère était à l’improvisation, mais pas de niveau professionnel. Ce n’est pas parce qu’on essaie d’habiller le tout avec de l’humour et un côté bon enfant que le spectacle est à la hauteur de ce que le public des Diffusions Amal’Gamme est en droit de s’attendre.
Je ne crois pas que les premiers responsables de cet échec à mes yeux soient notre diffuseur laurentien, si ce n’est d’avoir fait confiance à cet ensemble qui se veut original. Je crois plutôt que les Diffusions Amal’Gamme ont été mis devant des faits qu’elles ne contrôlaient aucunement et qu’elles se sont dit « advienne que pourra » et « cherchons à faire d’un problème le meilleur parti possible ». Si je ne connaissais pas déjà le haut standard de qualité habituel de notre diffuseur laurentien, je n’assisterais plus à un autre spectacle dans leur salle de Prévost. Toutefois, le spectacle de samedi dernier n’est qu’une erreur de parcours pour moi. Je suis persuadé que le spectacle de samedi prochain avec le Nouveau quatuor Orford sera de haut calibre. La présence de Jonathan Crow qui a déjà séduit à Prévost est un gage de la qualité de ce futur programme.
Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour