«Beauté perforée» de Bernard Antoun |
Nouvelles Brèves | |||
Lundi, 13 Août 2007 | |||
Nouveauté : Parution d'un livre de poèmes
Titre du livre : BEAUTÉ PERFORÉE
Auteur : Bernard Antoun (auteur du livre d'art Laurentïdes et du recueil de contes Mémoires de ciels et de vents. C'est son 27ème ouvrage publié)
Genre : Poésie
Éditions : L'Harmattan
Lieu de publication : Paris
Date de parution : été 2007
Nombre de pages : 90 pages
Extrait de Beauté perforée
Éd. lHarmattan, Paris, 2007
Ode au Soleil levant
amoureuse du soleil la terre retourne à lui
avec une élévation de brume
et un rythme doiseaux qui rayonnent de joie
une voix de feu sortie de la mi-ombre
venue de nul espace, de nul temps
mentoure soudain et me prescrit
au creux du creux de loreille
alors que je contemple fébrile
les couleurs changeantes de ce nadir mystique :
« mange le chant sacré de cette rosée
bois le poème de gloire quécrivent en ce moment
toute plante debout
toute pierre, tout animal en vie
dévore sans effort lintensité de ce qui tillumine
avale cette brise rafraîchissante qui renouvelle
bâtis en Lui ton avenir libre
car de ce soleil émergent force unique
et nourriture qui ne périt
de ce soleil le Je Suis laisse émaner
lénigme de toute beauté
le silence de tout amour qui ne sévanouit »
jai mangé et bu
ces rayons de soleil qui réchauffaient
la moelle de mes os et le suc de mon esprit
jai dévoré et avalé
ce quici et maintenant jai vu :
la brise qui rafraîchit lessence de tout ce qui est
la rosée qui nourrit et mystérieusement rajeunit
je me suis laissé bercer par les bras de la terre
par ce soleil de plénitude qui investit le ciel
de sa graduelle luminosité
me suis laissé laver et régénérer par
les mille teintes de jaune
de rouge dorange aux intensités damour multiples
jai savouré léveil presque sans secret de lunivers
les lueurs de volcan de ce règne de brasier qui
ne sachève
jai traversé comme un éclair
la rivière de la pensée au-delà du tain de la réalité
ai brisé les filets et saisi le ciel de mon être
ai découvert léveil par la vacuité
mon âme sest désaltérée aux sources de linfini ici
aux sources de linfinie clarté
inondée par les laves en éruption
de ce brûlant soleil victorieux de la nuit
uni à moi dans la savoureuse inhérence
uni au cosmos dans sa plénitude dessence
jai connu lincommensurable universel instant
inscrit entre deux éternités
ai vécu la non-entité
lumière première réalité et vérité premières
ai vécu lintégrale expérience de laveugle silence
la pulsion salvifique qui pousse vers
la totalité du vivre
je suis sorti de ma coque comme dune grotte originelle
jai goûté aux harmonies du vide
à la joie dêtre avec lembryon de laujourdhui
à la joie de se perdre dans la
totalité du mouvement du respire
jai cheminé sans radeau prince sur la lumière
intime de la joie universelle
ai retrouvé lenvers de lazur
et lhorizon accessibles
jai rencontré le visage du primordial rayon
issu du souffle de la nuit
il recréait en dansant le constant inattendu
et les doigts sans orage de lavenir
jai vu limpermanente permanence en direct
jai embrassé lunivers embrasé de sollicitude
depuis : illusion la parole qui ne transmue léclair
qui ne capte lincandescente et profonde beauté
seulement être dans linstanéité
seul espace à vivre
se fondre dans lunique
extérieur et intérieur réunis
se laisser emporter sans bouger
par les vagues de la brise de sa respiration
devenir arbre, lac
devenir brise, soleil
être oiseau et chant doiseau
être fleur et terre qui porte la fleur
percevoir lunité la voie
toutes choses disparaître
toutes choses communiquer et renaître
présent à tout être la vie
transcender la croûte du réel
ne rien différencier
se relier aux éléments visibles
ou invisibles du vide
manifestation de lunique dans le multiple
manifestation du multiple dans lunique
déceler beauté de linstant créé
lac qui enveloppe dintériorité
oublier les douleurs des ogives du temps
aspirer toute la sérénité de ce matin boréal
contempler ce jet deau
architecture de perles et de diamants
qui tombent musicalement
loriot jaune qui se nourrit à même mangeoire rouge
accrochée à un arbre de printemps
se libérer de la compulsion du temps
atteindre le sommet de luniverselle beauté
par le simple présent maintenant offert
se nourrir de la symphonie du silence
quorchestre le souffle sans rassasier
chaque moment déveil saveur déternité
fraîcheur déternité
retrouver en son corps larchet de léther
entre brume et nuages
entre clapotis et feuillage
ne surgit que ce qui émerveille
arpenter chemins inédits
des prédécesseurs vers le sommet
rencontrer le matin du soi uni à lunivers
enjamber chemins de pierres, de neiges
chemins plats, escarpés
chemins verts ou déserts à cause
des sauterelles de la pensée
enfiler sentiers abrupts ou libérateurs qui ouvrent
prunelles des pays intérieurs
être traversé par léclair
lesprit de sa chair transformé
debout devant la rose du soleil
les montagnes avec leurs arbres
les lacs avec leurs larves et millions de grains de sable
remerciaient par des cris synchroniques quasi audibles
laurore vive
pour ses éternels sursis
pour ce nouveau jour qui invite à se surpasser
à se consommer de joie jusquà la dernière goutte
ni le vent ni les heures ne semblaient sagripper
en ce matin de nitescences
au totem du temps qui ne compte plus
toute chose savourait seulement
les dividendes du souffle du présent qui rutile
plus vivant je suis revenu
de ce mémorial viscéral sans usure
rempli dune sève guérisseuse
rempli de rayons de plénitude
gratifié dun jour
dune chance unique dachever mes cibles
plus éveillé je suis devenu
présent à la vraie vie
regreffé à linfini
lumière de soleil pour tout autrui
jai saisi lurgence dêtre
au-delà des griffes des saisons
plus près de la conscience du soleil
et de la terre qui ne le quitte |