Au premier abord, le caméléon n’est certes pas le plus bel animal de notre planète. Par contre, ce qui nous fascine chez lui, c’est cette capacité de modifier son épiderme pour prendre la couleur de son milieu ambiant et être ainsi moins repérable pour ses ennemis. Comme quoi, il ne faut pas toujours se fier à notre première impression.
En ce samedi de la mi-novembre, nous étions conviés par les Diffusions Amal’Gamme à un concert-conférence « Le piano caméléon ». Au premier abord, l’invitation à un concert-conférence peut certes faire reculer certaines gens. On peut être intéressé par un concert, mais le côté conférence peut nous rebuter. Cela semble tellement didactique pour un samedi soir. On peut alors décider de rester à la maison ou de préférer une autre activité. Si vous êtes de ces gens-là, vous avez eu tort de bouder ce concert de Guillaume Martineau à la salle de l’église Saint-François-Xavier de Prévost. Vous avez raté une soirée exceptionnelle. Au départ, il y régnait un petit côté familial en cette salle pour plusieurs raisons. Monsieur Martineau, on serait plus porté spontanément à l’appeler tout simplement Guillaume, est un jeune pianiste, natif de Sainte-Thérèse, dans la vingtaine. C’est physiquement un très beau jeune homme que toute mère voudrait avoir comme fils ou qu’une belle-mère espère comme gendre pour sa fille adorée.
De plus, Guillaume Martineau est un habitué de la programmation de notre diffuseur laurentien. Malgré son jeune âge, il en était à son sixième ou septième spectacle à Prévost. En quelque sorte, il fait partie de la famille ou, tout au moins, de ces neveux qui aiment nous rendre régulièrement visite et qui sont tellement charmants qu’on espère toujours leur prochaine visite. Même s’il perfectionne actuellement son art à Boston, il n’a pas hésité à faire un aller-retour pour venir nous dire un petit bonjour et nous faire partager sa passion pour la musique.
Guillaume est sorti du cadre habituel des interprétations classiques avec les grands maîtres que sont Mozart, Chopin, Beethoven et compagnie. Il a voulu nous offrir un menu musical avec des compositeurs d’aussi grand talent, mais moins joués. C’est ainsi que nous avons eu droit à du Sibelius, du Grieg, du Nazareth, du Tatum. À la demande des Diffusions Amal’Gamme, il avait ajouté deux volets de Jorge Gomez Labraña, car, pour notre diffuseur, ce musicien d’origine espagnole a quelque chose de particulier. Même s’il est né à Barcelone et a vécu une grande partie de sa vie à Cuba, c’est au Québec qu’il a vécu les douze dernières années de sa vie. Il est décédé en 2006.
Ce grand musicien, en plus d’être un grand interprète et professeur de piano, il a composé plusieurs œuvres malheureusement inconnues du grand public. Dans les Laurentides, à Prévost, il s’est produit à de multiples reprises. Il a même composé une messe de Noël qui y fut présentée en décembre 2002. Il est non seulement très connu de notre diffuseur, mais il a même composé de la musique pour, entre autres, Francine Allain, directrice artistique des Diffusions Amal’Gamme, et pour Lise Grégoire, qui était d’ailleurs présente en ce samedi soir. Comme je vous l’ai déjà dit, on ne peut pas être plus en terrain familial.
Notre récipiendaire du Premier prix du prestigieux concours de Musique du Canada 2009 ne s’est pas contenté de ce menu déjà très riche. Pour clore le programme de la soirée, il nous a offert une interprétation magistrale qui a soulevé de plaisir tout l’auditoire. « Rhapsody in Blue » de George Gershwin est la première pièce musicale qui l’a séduit à l’âge de cinq ans et qui l’a amené à se consacrer à la musique. En ce samedi, il a voulu l’offrir à son père présent qui lui avait déjà demandé de la lui jouer un jour pour son anniversaire. C’était effectivement son anniversaire récemment.
Comme si tout cela n’était pas assez au niveau de la générosité, Guillaume Martineau a surpris tout le monde en nous offrant en deuxième interprétation de rappel une œuvre de son cru. Non seulement, il est un très grand musicien avec un avenir très prometteur qui sait s’approprier avec brio et virtuosité les œuvres des autres, mais il nous a fait la démonstration hors de tout doute en tombée de rideau qu’il sera aussi un très grand compositeur.
Pour moi, comme pour l’ensemble des gens présents, ce fut une soirée exceptionnelle. Nous en sommes tous sortis très ravis d’avoir passé de si bons moments. Si vous revoyez le nom de Guillaume Martineau à l’affiche dans nos Laurentides, ne boudez pas votre plaisir. Réservez alors votre place. Ce Guillaume est un nom à retenir pour notre plus grand bonheur musical pour les nombreuses années à venir.
Pierre Lauzon
Les éditions Pommamour
P.S. : J’oubliais! Le côté conférence du concert n’en était pas véritablement un. Cela n’avait rien de didactique. Ce n’étaient que des mises en contexte que de trop nombreux musiciens omettent de faire trop souvent.