La petite rivière Saint-Antoine à l'air libre
Je me sers ici de trois écrits pour vous raconter la vie autour de la petite rivière. Le premier se situe en 1886. Les deux autres furent publiés en 1996 dans un journal familial.
1886
Benjamin-Antoine Testard De Montigny nous décrit cette petite rivière ainsi :
« En revoyant le lieu où je suis né, (site actuel de la SAQ de Saint-Antoine) où j'ai passé mes plus jeunes années, que de souvenirs il évoque ! Je revois encore la maison paternelle perchée sur un coteau au pied duquel coule un ruisseau qu'on appelait, nous « la petite rivière ». Au printemps elle inonde le raviné Elle se jette dans la rivière du Nord que nous appelions « la grande rivière ». Que de courses n'ai-je pas faites à travers les champs de la Côte Saint-Antoine que traverse le faible tributaire de la rivière du Nord. J'y vois encore la petite pointe où je m'asseyais pour pêcher.
Mais cette petite rivière Saint-Antoine se rattache un souvenir bien triste. J'étais encore enfant quand on vint avertir mon père, qui était magistrat, qu'une femme avait été trouvée morte dans une source près de la rivière. Elle avait été assassinée.»
Une histoire de patin par Marc Bouvrette.
L'histoire se situe dans les années 40 (population 1000 âmes):
« Je crois que les Bouvrette sont nés avec des patins. Je ne sais pas où mes parents prenaient l'argent, mais on avait tous des patins. Avant que les patinoires existent, les Bouvrette allaient patiner sur la petite rivière qui était en arrière de la maison familiale (site actuel de la maison de feu Albert Bouvrette). On partait sur cette rivière et on réussissait à rejoindre la rivière du Nord ce qui nous permettait de nous rendre jusqu'à Saint-Canut. Impossible maintenant d'imaginer que la rivière du nord puisse geler car elle est trop polluée et la petite rivière de Saint-Antoine a été ensevelie. En dessous de la petite claverette, soit le tunnel situé sous la 117, anciennement la route 11 (où se trouve le marché d'alimentation présentement), ça jouait dur même que Claude a cassé son hockey sur les jambes de Maurice.
J'arrivais souvent en pleurant à la maison parce que j'avais reçu la rondelle en plein front et ma mère qui me recevait en me disant « Je t'avais dit de ne pas aller jouer avec les plus grands ». Si on ne jouait pas sous la claverette ou sur la rivière, on jouait dans la rue tout simplement. On prenait des crottes de cheval bien gelées puisqu'on n'avait pas de rondelle, ça coûtait trop cher! »
La partie urbaine de la petite rivière Saint Antoine est maintenant partiellement enfouie sous le Métro Elite et existe actuellement sous forme de ruisseau entre le boulevard Saint-Antoine et la 158
Le pont de la coulée par Luce Bouvrette
L'histoire se situe dans les années 65-70 (population 6000 âmes) :
« Je ne sais pas si vous êtes comme moi, soit un peu nostalgique!
Dernièrement, je me remémorais des périodes de mon enfance et des lieux où j'ai grandi. Les bulldozers ont enterré ces sites et il ne reste maintenant que quelques bâtisses qui ont survécu au massacre de ce qui était le centre ville de Saint-Antoine.
Je me suis rappelée de la petite rivière de la coulée qui divisait le village en deux. Au nord de la rivière étaient situées l'école des gars (St-Stanilas) ainsi que l'école des filles (Ste-Thérèse) et au sud de la rivière se regroupaient l'église, le centre ville et la majorité de la population du village. Un monsieur Corbeil avait eu l'initiative de construire sur son terrain un petit pont pour accommoder les élèves du sud qui devaient, pour aller à l'école, se payer une bonne marche en passant par la 117 ou par le chemin de fer. Moi qui habitais au nord de la rivière, je trouvais ce pont très pratique.
Je me souviens du « feeling » que j'avais à passer dans la cour d'école des gars. Je me sentais un peu dans l'illégalité car à cette période, les filles n'avaient pas d'affaire à l'école des gars et vice et versa. La cour d'école franchie, je sais que j'éprouvais une certaine crainte à prendre ce raccourci parce qu'en sortant de la cour d'école on s'engouffrait dans un petit sentier en pleine nature. Je me sentais loin de la civilisation et je craignais aussi de tomber à l'eau dans cette petite rivière qui commençait à dégager des odeurs nauséabondes.
Enfin, j'arrivais au pont.
J'apercevais la maison de madame Corbeil qui tenait le bureau de poste et en reprenant mon élan je me rendais chez grand-mère et grand-père Bouvrette, ou à l'église, à la pharmacie Blais (dépanneur Belvédère) et au magasin général de madame Roy (création Lucie). L'hiver, on se rendait dans la coulée pour glisser, plus précisément derrière l'école des filles. La rivière étant gelée nous ne craignions pas de se laisser porter par nos toboggans, nous y allions souvent en famille. L'été, j'allais y cueillir des cerises et je m'amusais à me promener le long de la rivière qui pourtant, je vous le répète, commençait à sentir.
Maintenant, je ne peux faire autrement de ressentir un petit pincement au coeur lorsque je circule sur la route 158. Je sais que sous cette route coule encore la petite rivière et qu'une partie de mes souvenirs d'enfance a été enterrée en même temps que ma coulée.»
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