Comme tout bon Québécois moyen, j’aime contribuer à l’occasion et volontairement à enrichir les coffres de l’État. Certes, je paie déjà de nombreuses taxes et des impôts que je considère toujours trop élevés. Évidemment, je sais qu’en payant mon compte d’Hydro-Québec, je verse encore de l’argent à mon État adoré non seulement avec les taxes qui viennent avec le résultat de ma consommation, mais aussi en acceptant que mon électricité coûte plus cher qu’en réalité afin que ma société d’État vouée à la production électrique puisse verser à mon gouvernement des millions de revenus supplémentaires chaque année. Je passe naturellement sous silence les nombreuses tarifications à gauche et à droite.

C’est vrai que je m’en plains régulièrement. C’est bon pour ma santé. Ça me permet de faire moins d’ulcères à l’estomac. Mon médecin m’a dit que ce n’était pas bon de refouler tout par en-dedans. Alors, je me défoule presque quotidiennement sur l’État, connaissant de longues dates son indifférence à mes lamentations. Il ne répliquera jamais, même si parfois, il peut rappliquer. Qui aime bien châtie bien, paraît-il.

Il faut quand même reconnaître que Loto-Québec est très généreuse avec moi. Un autre petit gratteux, par ici. Un petit deux, cinq et même dix dollars à l’occasion. Elle n’arrête pas de me procurer des petits bonheurs et d’entretenir mon désir très humain de rêver. Je lui prouve assez souvent tout l’attrait qu’elle a sur moi. Elle sait être reconnaissante à la hauteur de ses moyens. De toute façon, ce bel argent qu’elle gagne ou que je gagne, c’est pour mon bien et les biens des coffres de mon État chéri. D’une façon ou d’une autre, je suis gagnant. Si ce n’est pas moi, ce sont mes concitoyens et mes concitoyennes québécoises qui en profitent.

Au cours des deux dernières années, je me suis même abonné à la Lotomatique pour être sûr de ne pas l’oublier. Je me suis inscrit pour la fameuse loterie 6/49. Cela m’a coûté quelques centaines de dollars. J’ai récolté en tout 15$. À première vue, il semble que je sois perdant. Personnellement, certes. Toutefois, mes compatriotes du Québec sortent grands gagnants de ma contribution volontaire à la richesse de l’État.

C’est ce que vous croyez, vous aussi. Nous sommes dans l’erreur. Si vous allez sur le site de Loto-Québec (et non Loto-Canada) et prenez connaissance de la provenance des billets gagnants de la 6/49 au niveau du gros lot en jeu et de la 5/6+Complémentaire, vous constaterez rapidement que plus des trois-quarts de ces billets gagnants proviennent de l’extérieur du Québec, dont près de 50% de l’Ontario. Faites l’exercice si vous ne me croyez pas. Pourquoi? Personne ne semble capable de répondre à cette question. Non seulement j’ai une chance sur quatorze millions de gagner, mais il y a trois chances sur quatre que le billet gagnant soit hors du Québec.

J’en ai marre de ces silences trop éloquents où jamais la société d’État ne nous rappelle que la 6/49 est une loterie nationale (la nation n’étant pas le Québec, mais le Canada), où les médias ne mettent jamais en lumière le fait que les grands gagnants des gros lots sont ailleurs qu’au Québec, où les médias n’osent pas mordre la main d’une de leurs vaches à lait, Loto-Québec. Quand j’achète un billet de la 6/49, c’est pour gagner le gros lot, pas les lots moins importants, tout de même. Je demande seulement que tout le monde puisse le faire en pleine connaissance des faits. Gagez-vous qu’ils seront très discrets?

Johnny Marre

P.S. : Lors du tirage du samedi, 21 février, pour le deuxième plus gros lot de l’histoire de la 6/49, un seul billet gagnant sur quatre venait du Québec; les trois autres venaient de l’Ontario. Sur vingt billets gagnants de la 5/6+Complémentaire, un seul billet gagnant venait du Québec, mais 10 de l’Ontario. Mystère??? Surtout, paraît-il, que la grande majorité des gens ne choisissent pas leur numéro, mais laisse plutôt ce soin à la machine. Mystère???