L'indifférence |
Johnny Marre |
Lundi, 07 Février 2011 |
Le regretté chanteur français, Gilbert Bécaud, nous a offert cette magnifique chanson qu’est « L’indifférence ». Dans cette chanson, il nous proposait dès le début : « Laisse-moi te dire et te redire ce que tu sais, ce qui détruit le monde, c’est l’indifférence. ». On ne s’arrête pas assez souvent pour bien saisir le sens des mots. Nous aurions grand intérêt à réentendre ce petit bijou de philosophie qui date de quelques décennies, mais qui est toujours aussi pertinent. (écoutez) Ne regardons pas ailleurs! Observons notre jardin. Le 21 janvier dernier, c’était la journée du drapeau du Québec. C’est en vertu d’un article de loi voté, il y a plus de dix ans, par notre Assemblée nationale. Le saviez-vous? Vous l’a-t-on rappelé d’une façon ou d’une autre, dans les médias ou ailleurs? Pas du tout! Même notre gouvernement actuel a oublié de poser le moindre geste, pas même un communiqué de presse, pour marquer l’importance de nous reconnaître tous et toutes dans le drapeau de notre nation puisqu’il « représente la fierté et la mémoire du Québec », a tenu à préciser plus tard notre candide ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, qui est responsable de l’application de cette loi. Indifférence?! « Mais je ne sais pas si ça a fait un gros dommage. », a conclu tout aussi candidement la porte-parole du ministère de la Justice, Johanne Marceau. Vous avez sans doute raison, ma chère dame. Après tout, la Terre n’a pas arrêté de tourner. D’ailleurs, qu’est-ce qui pourrait arrêter vraiment cette Terre de tourner? Même les plus grands drames humains et sociaux ne semblent nullement la déranger. Alors, le drapeau du Québec… Le 24 janvier dernier, les employés du Journal de Montréal ont tristement vécu le deuxième anniversaire de leur mise en lock-out par Québécor. Pendant ces deux années, des cadres ont réussi à éditer quotidiennement un journal avec la complicité de chroniqueurs qui ont sans aucun doute besoin de ce revenu pour boucler leur fin de mois et de vedettes externes, comme les Josée Lavigueur, Isabelle Huot ou Guy Lafleur. Eh oui! Guy Lafleur! Ce même Guy! Guy! Guy!, qui, il y a si peu de temps, souhaitait grandement la compréhension du bon peuple québécois quand lui et son fiston avaient des petits problèmes avec la Justice. Mon cher Guy, tu ne savais donc pas que les employés du journal avec lequel tu acceptes de hautement collaborer sont en lock-out depuis plus de sept cents jours et qu’ils auraient certes apprécié de la compréhension de ta part??? Ignorance ou indifférence? Tu peux sûrement te consoler en te disant que nombre de Québécois se disent qu’il n’y a rien là. Ne lâche pas, mon Guy! C’est comme ça qu’on aime ceux et celles qui n’ont pas peur de s’afficher ainsi! Pour ne pas allonger inutilement cette liste, parlons finalement de la chanson en français. Avez-vous remarqué que de plus en plus de films québécois et de séries télévisées utilisent des chansons anglophones pour exprimer les émotions du scénario? Il faut reconnaître que les Français sont loin de prêcher par l’exemple. Serait-ce que nous n’avons plus suffisamment de compositeurs de talent chez nous pour exprimer ces émotions dans notre langue? Qu’il y ait une chanson en langue étrangère de temps en temps dans un film ou dans une série, là n’est pas le problème. Que la majorité ou la totalité ne soit pas en français, il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond dans notre coin de pays. Deux petits exemples. Réjean Tremblay, cet auteur, on ne peut plus québécois, et qui a souvent des reproches très justes concernant le français chez nos chers Canadiens de Montréal, nous a offert dernièrement, dans une production québécoise à 100%, « Lance et compte-le film ». On ne peut avoir film plus québécois que ce film. Et pourtant, la grande majorité des chansons dans le film étaient en anglais. Son élève, Fabienne Larouche, auteure ultra prolifique, a non seulement scénarisé la série Trauma sur les ondes de Radio-Canada, mais elle la produit avec son conjoint. Encore là, on ne peut avoir plus québécois que cette série. Pourtant, toutes les chansons de la première saison étaient en anglais. Pour la nouvelle saison qui est en cours présentement, cela s’annonce de la même facture. Ce n’est pas parce que c’est Ariane Moffatt qui les interprète que c’est plus acceptable. Cette chère Fabienne, qui réclame à juste titre que les auteurs québécois puissent se produire chez nous, a-t-elle oublié que cette même logique devrait s’appliquer pour nos auteurs de chansons en français? Dans tous ces cas, personne n’a dénoncé ces états de fait. Le tout se passe dans l’indifférence la plus complète. J’en ai marre de ces silences. J’en ai marre de ces indifférences de plus en plus généralisés. Sur le site de la revue Châtelaine (regardez), dans le cadre des Femmes de parole, Fabienne Larouche dit avec tellement de justesse que « La beauté, pour moi, c’est le sens de l’honneur. Si on ne peut pas acheter tout, n’importe où, n’importe quand, on n’est pas à vendre à n’importe quel prix. Il faut être capable, un jour, d’aller au-delà de nos propres intérêts pour le bien commun. ». Que c’est donc bien dit! Le bien commun n’est-il pas, entre autres, le respect de notre drapeau, celui des travailleurs en conflits de travail et, au premier chef, le respect et la valorisation de notre langue? Bécaud termine merveilleusement sa chanson en nous disant : « L’indifférence, avant qu’on en soit tous crevés d’indifférence, je voudrai la voir crucifier. » Merci, monsieur Bécaud, de nous faire rêver qu’il est possible de tuer, de combattre quotidiennement cette indifférence qui gangrène nos vies personnelles et notre vie collective! Votre chanson est un cri d’espoir pour la beauté du monde. Johnny Marre P.S. : Une très triste illustration de cette indifférence, c’est la sortie du film, soit disant québécois, « Funkytown ». Jamais notre cinéma québécois n’est tombé aussi bas dans son bilinguisme! Prochaine étape : un film québécois entièrement en anglais avec sous-titre en français. Normalité? Indifférence? |
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