Une adolescence nationale qui s'éternise… |
Johnny Marre |
Lundi, 29 Juin 2009 |
L’adolescence est certes la plus belle période de notre vie, du moins, la seconde partie, celle à partir de 16 ans. Avant, c’est un peu moins drôle. Il y a souvent l’acné, le développement non proportionnel de certains membres de notre corps, nos premiers essais maladroits de conquête amoureuse, l’apprentissage de notre sexualité, nos premiers poils, et j’en passe. À partir de 16 ans, c’est différent. Nous commençons à avoir de l’expérience avec notre adolescence et, de plus, la société commence à nous donner certains droits et de plus en plus de libertés. Ce n’est pas comme avoir toute notre indépendance puisqu’il faut tenir compte de nos parents, de nos frères et sœurs, mais ce n’est pas habituellement l’enfer pour autant. Nos parents savent si bien faire les compromis qui s’imposent pour nous faciliter notre nouvelle vie et nous permettent de vivre le plus longtemps possible auprès d’eux. Ils nous aiment tellement. Nous sommes tellement adorables, après tout. Nous sommes alors logés, lavés, nourris. Papa ou maman nous passe régulièrement leur auto, quand ils ne nous en achètent pas carrément une. À 18 ans, on nous permet de voter et de fréquenter les bars. Nous avons tous les droits et privilèges rattachés à l’enfance et à l’adolescence, tout en jouissant des mêmes libertés que les adultes. C’est le paradis. Pourquoi nous dépêcher de quitter cette situation idyllique et d’hériter de toutes les responsabilités du vrai âge adulte? Nous prenez-vous pour des caves? Viendra bien, tôt ou tard, le moment de nous assumer pleinement en tant qu’adulte. En attendant, plus nous pouvons prolonger cette situation, nous sommes morts de rire, car nous avons l’intelligence de tirer le meilleur parti d’être encore un enfant chez papa et maman, tout en vivant pleinement notre vie de jeune adulte. Y a rien là, man! Si tu ne le fais pas, qui est le plus brillant de nous deux??? Au moment où nous célébrons les fêtes nationales du Québec et du Canada, je me désole de constater que nous sommes un peuple adolescent. Car un peuple, c’est comme un individu. Ça naît, ça vit, ça développe sa propre dynamique et sa propre spécificité, et ça meurt par assimilation ou autrement. Notre nation, le Québec, vit dans une grande famille d’accueil canadienne depuis déjà 142 ans. Comme tout ado, nous tenons à notre spécificité. Comme tout ado, nous voulons avoir toute la latitude pour nous développer au maximum. Comme tout ado, nous nous plaignons avec habileté de notre pauvre situation pour permettre à nos parents de mieux nous comprendre. Nous menaçons même de quitter la maison familiale, la maison canadienne, mais, comme tout ado, nous n’avons jamais le courage de passer des paroles aux actes. Nous hésitons souvent dans le cadrage de la porte. Il faut dire que nos parents, les dirigeants canadiens, et même nos frères et sœurs, savent toujours trouver les mots pour nous retenir. Dans le passé, ils ont su habilement user autant de mots de peur que d’amour. Souvenez-vous de Trudeau qui promettait d’agrandir et de refaire notre chambre en 1980! Souvenez-vous de la grande marche de nos frères et sœurs vers Montréal en 1995 pour nous dire à quel point ils nous aimaient! Les Québécois ne sont pas des êtres insensibles. Ils ont reçu droit au cœur ces invitations si troublantes pour un avenir meilleur et n’ont jamais été ingrats envers la famille canadienne, même si les parents canadiens n’ont jamais refait et agrandit la chambre, comme promis, et même si nos frères et sœurs canadiens sont retournés à leurs préoccupations et n’ont plus de temps à nous accorder. Y a rien là, man! J’en ai marre de notre adolescence nationale qui s’étire sans horizon d’adulte. De deux choses l’une, ou nous nous assumons pleinement en tant que nation adulte avec tous les droits, obligations, responsabilités et libertés qui en sont l’essence même, ou nous sommes incapables de couper le cordon familial parce que nous sommes trop bien finalement dans notre famille d’accueil canadienne. D’une façon ou d’une autre, assumons-nous! Quittons le giron familial ou devenons un des bâtons de vieillesse de nos parents canadiens! Cessons de tergiverser! Si nous sommes incapables de quitter cette belle famille canadienne, alors cessons une fois pour toutes de nous comporter en ado éternel! Être un bâton de vieillesse, ça implique aussi de nous comporter en adulte. Être un bâton de vieillesse, c’est consacrer sa vie au bien-être et au mieux-être de nos parents et des autres membres de la famille qui ont aussi décidé de rester dans la maison familiale. C’est ce que nous voulons comme destin? Assumons-le! Sinon, assumons pleinement notre propre identité et notre propre destin. Finissons-en avec l’adolescence! Nous sommes bien assez vieux pour cela, Québécois et Québécoises! Johnny Marre
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