Pourquoi l'imagination prendrait-elle des vacances? |
Johnny Marre |
Lundi, 07 Septembre 2009 |
Autrefois, et je ne vous parle pas ici du temps de Séraphin, mais plutôt il y a une trentaine d’années et plus, il ne se passait rien l’été. L’unique raison était que les gens n’étaient plus disponibles parce que c’était le temps des vacances. À l’époque, on jugeait que cela ne valait pas la peine d’investir temps, argent, énergie et surtout imagination alors que les Québécois avaient l’esprit ailleurs. Les festivals étaient une denrée très rare pour ces temps non préhistoriques. Ainsi, Montréal était une ville plutôt morte durant la période estivale. Ça ne valait pas la peine de créer des événements, étant donné que les Montréalais fuyaient la ville pour la campagne ou autre Atlantic City. Un peu, comme jadis, en raison de la présence très forte de la religion catholique où il était très mal vu de travailler le dimanche, jour choisi par Dieu pour que ses créatures se reposent, on appliquait un peu la même philosophie à l’été. C’était sacré. Tout le monde prenait congé. Serait-ce qu’il y en avait qui avait peur de voir transformer leur champ de patates en champ de pierres, comme ce serait arrivé à Rigaud? Tout ce qu’il y avait de culturel, c’étaient les théâtres d’été. C’était normal puisque les Québécois n’étaient plus en ville, mais un peu partout au Québec. Habituellement, dans de vieilles granges ou bâtisses plus ou moins rafistolées, les urbains s’entassaient pour côtoyer des vedettes de la télé dans une pièce de théâtre très légère. Il ne fallait surtout pas que ce spectacle théâtral fasse trop réfléchir les humains que nous étions. Cela aurait été au-delà de leurs capacités intellectuelles, puisqu’ils étaient en vacances! Puis, dans la foulée des années soixante-dix, des pécheurs (et non, pêcheurs!) se sont mis à organiser des événements, non seulement en régions, comme on dit aujourd’hui, mais ils osaient même le faire dans une grande ville comme Montréal ou Québec. Quelle audace! C’est ainsi que nous avons vu naître le festival Juste pour rire, celui international de jazz de Montréal, celui des films du monde, celui d’été de Québec, les Fêtes de la Nouvelle-France, alouette… Nous savons tous aujourd’hui l’immense succès que remportent tous ces festivals en milieu urbain, sans porter ombrages à tous ces festivals de tout acabit qui foisonnent ici et là au Québec. Les Québécois d’hier n’étaient pas moins brillants que ceux d’aujourd’hui. Toutefois, il y a eu des Gilbert Rozon, des Alain Simard, des André Ménard et combien d’autres audacieux qui ont cru fermement que les Québécois avaient droit à un plus vaste menu culturel, même en période estivale. Les jardins culturels nous apportent maintenant, été après été, des produits très variés pour notre très grande joie. Même certains théâtres d’été croient qu’il y a place pour une réflexion amusée de notre condition humaine. Pour y arriver, comme pour tout autre jardin, il ne faut pas avoir peur de le cultiver. Autrefois, de son côté, la télévision faisait relâche à la fin mai. C’était l’époque des téléromans en tranche de treize épisodes. Donc, trois fois treize, cela équivaut à trente-neuf semaines. Nous sommes loin des téléséries d’aujourd’hui à moins de dix épisodes. Il ne restait donc que douze semaines à combler un vide, faute de fermer les ondes. Les vacances, c’était bon aussi pour la télé. À noter que nous n’avions pas à payer des frais mensuels pour la transmission des ondes télévisuelles! Il suffisait d’une télé et d’une antenne (même des oreilles de lapins!) pour que l’affaire soit ketchup! Aujourd’hui, dès la fin avril, notre télé aux centaines de postes prend déjà vacances. Elle nous revient en début septembre pour retourner vite en congé des Fêtes dès le début décembre. Donc, notre télé travaille de janvier à la fin avril et de septembre au début décembre. C’est donc dire qu’elle met le paquet (pas toujours!) pendant sept mois et qu’elle a besoin de cinq mois de repos. Aurait-on une télé qui vieillit tellement mal qu’elle ait besoin de plus en plus de repos? Pourtant, je la paie beaucoup plus qu’autrefois. J’en ai marre de cette paresse télévisuelle, de ce manque d’investissement d’énergie et d’imagination de nos responsables. Comme autrefois, on prend prétexte que les Québécois désertent la télé parce qu’ils tombent lentement, mais sûrement, en vacances. Alors qu’en haute saison télévisuelle, nous ne savons plus à quel poste nous concentrer tellement l’offre est alléchante, c’est le vide des reprises et des séries américaines (pour la plupart!) qui nous habite cinq mois par année. Où sont les audacieux, les créateurs, les imaginatifs de notre télé? Cessez de nous prendre pour des gens qui laissent leur intellectuel dans leur garde-robe une grande partie de l’année! Mettez en pratique le principe Hygrade qui veut que plus de gens mangent des saucisses parce qu’elles sont plus fraîches et qu’elles sont plus fraîches parce que plus de gens en mangent! L’imagination, c’est valable douze mois par année. Johnny Marre |