L'Hydro, pour l'électricité, pas pour l'argent! |
Johnny Marre |
Lundi, 05 Octobre 2009 |
Au début des années soixante, René Lévesque, alors ministre libéral dans le gouvernement de Jean Lesage, a mené une dure lutte pour nationaliser l’électricité produite au Québec. Le but était que l’État soit dorénavant le maître d’œuvre du développement hydro-électrique sur tout le territoire du Québec, que tous les consommateurs de cette source importante d’énergie ne soient plus à la merci des entreprises privées et qu’ils puissent payer le prix le plus juste et le plus bas possible. Ce fut d’ailleurs l’enjeu majeur des élections de 1962 qui ont reporté Jean Lesage au pouvoir. Malgré les hauts cris de ces grosses compagnies productrices d’électricité et leurs gros moyens de lobbying, la population a largement appuyé ce chapitre de la Révolution tranquille. L’État prenant le contrôle de la production et, par le fait même, des coûts rattachés à son exploitation, les Québécois étaient assurés de ne plus être à la merci de compagnies privées de production d’énergie, comme c’est encore le cas avec le pétrole. Quelle bonne nouvelle! Toutefois, comme toute bonne idée éminemment louable au départ, on a toujours tendance à pervertir le but premier, celui à lequel les gens adhèrent avec ferveur et conviction. Ainsi, quand on a créé la Société d’assurance-automobile du Québec, le but était de créer une caisse financée par nos contributions via les permis de conduire et les plaques d’immatriculation pour pouvoir indemniser les victimes de la route pour les dommages corporels. Encore une fois, malgré les hauts-cris des compagnies d’assurances et de nombreux avocats, Lise Payette a gagné sa dure lutte pour ce qu’aujourd’hui les Québécois ne voudraient pas voir disparaître. Son objectif premier était on ne peut plus louable. Les revenus engrangés étaient de plus destinés uniquement à cette fin première et non pas pour permettre au gouvernement de payer d’autres factures. Toutefois, depuis ce temps, nous avons appris que toutes ces sommes accumulées qui doivent rapporter des intérêts pour avoir encore plus d’argent pour financer les dommages à venir, n’ont pas su demeurer totalement dans la réserve prévue à cette fin. Quand le gouvernement a eu besoin d’argent et qu’il n’a pas eu l’audace de se financer ailleurs, il n’a pas hésité à modifier la loi créant la SAAQ et à encaisser une bonne partie des revenus accumulés. Dans le cas de l’électricité, nous savons depuis belle lurette que la création d’Hydro-Québec, il y a plus de quarante ans, n’a plus pour seul but de combler les besoins électriques des Québécois au plus bas prix possible. Cette société d’État est une des vaches à lait très importantes pour les entrées d’argent de notre gouvernement québécois. Le ministre des Finances compte énormément sur ces revenus indirects pour tenter de boucler son budget. Sans ces entrées de centaines de millions à chaque année, il se devrait alors d’augmenter les impôts, les taxes ou les tarifications de toutes sortes. De plus, de récents événements nous ont rappelé qu’Hydro-Québec ne servait pas seulement à alimenter les Québécois en électricité et à procurer des revenus très importants à l’État, mais que cette société d’État jouait également un rôle social. Tant et aussi longtemps que l’on voit qu’elle finance un festival ici et là, ou un spectacle, une activité quelconque, notre somnolence généralisée n’a pas tendance à sortir de sa torpeur. Nous ne questionnons pas vraiment si ce doit être le rôle d’une société d’État, productrice d’électricité, de financer ces rencontres. En fait, elle joue le même rôle qu’une entreprise privée qui se fait philanthrope à même ses revenus faramineux pour se donner bonne conscience et, surtout, une excellente image, comme le fait McDonald et comme l’ont fait longtemps les compagnies de cigarettes, entre autres. Par contre, quand les médias mettent un peu en marche notre réveille-matin collectif en nous informant de dons substantiels à des collèges privés, nous faisons quelques soubresauts avant de nous rendormir et de retourner à nos rêves ou, plus souvent, à nos autres cauchemars. Nous questionnons quelques instants sans plus. La ministre de l’Énergie se fait rassurante et nous invite à retourner à notre beau petit dodo. J’en ai marre de ces sociétés d’État qui ne se contentent pas de jouer le seul et unique rôle pour lequel elles ont été créées. Hydro-Québec a été créée pour assurer la sécurité en énergie électrique pour tous les Québécois. Point final. Toute autre vocation est un détournement majeur de sa raison d’être qui ne peut s’être fait que subtilement au long des années. Ce n’est pas ce que René Lévesque a vendu aux Québécois au début des années soixante. C’est donc archi-faux de prétendre qu’Hydro-Québec a besoin de hausses annuelles pour financer nos besoins hydro-électriques. Si elle a vraiment besoin d’argent qu’elle cesse de servir de vache à lait à l’État et qu’elle renonce à son rôle social. Naturellement, cela obligerait enfin notre gouvernement, qui ne veut que notre bien (dans tous les sens du terme!), à réviser toute la fiscalité, une nécessité dont j’entends parler depuis plus d’une décennie. Quand cela fait leur affaire, l’État nous parle d’utilisateur-payeur, mais quand ce n’est pas rentable politiquement et qu’on a peur de jouer pour une fois un rôle majeur de leader, on préfère changer de sujet ou d’attirer l’attention ailleurs. Je veux bien payer le juste prix du coût de production de l’électricité que je consomme. Pas plus! Sinon, quelle différence entre Hydro-Québec et les compagnies pétrolières, ou même avec l’ancienne Shawinigan Water and Power??? Johnny Marre |