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Pêter plus haut que le trou! Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 28 Juin 2010

Nous nous souvenons tous de cette expression bien de chez-nous qui a pour but de bien faire sentir que, dans une telle situation, nous nous prenons pour quelqu’un d’autre ou nous concrétisons la renommée fable de Jean de La Fontaine, celle de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. Quotidiennement, nous en rencontrons de ces gens qui se prennent régulièrement pour d’autres ou qui voudraient être à l’image de ces autres qu’ils et elles ne sont pas.

À un moment ou l’autre de notre vie, chacun d’entre nous, il nous arrive de pêter ainsi, soit par obligation, soit pour faire bonne impression, soit pour essayer d’épater la galerie. Quand j’étais prof, il était naturellement coutume, en début d’année, que chacun se devait de faire sa part pour le climat social entre nous tous. Pour les journées pédagogiques, lors de la pause-santé de l’avant-midi, on convenait souvent que quelques profs, à tour de rôle, s’occuperaient d’agrémenter cette petite pause de quelques grignotines qui nous permettraient d’échanger amicalement entre confrères et consœurs de travail.

Ces petites grignotines se voulaient simples au début. Le but n’était pas de manger, mais de se réunir autour d’une table pendant cette pause-santé. Au fil de ces journées pédagogiques réparties tout au long d’un calendrier scolaire, il arrivait immanquablement que certains profs, nullement mal intentionnés, se permettaient de faire plus que de simples grignotines. On voyait alors apparaître des petites bouchées délicieuses faites maison, des petits plats très bien apprêtés. En agissant ainsi, ces profs venaient bien involontairement de hausser la barre pour les profs qui s’étaient portés volontaires pour les prochaines pauses-santé. C’est ainsi que les assiettes de fromages, de crudités, de viandes froides finissaient évidemment par faire leur apparition. On ne voulait pas faire « cheap » par rapport aux pauses précédentes.

Il en va de même, parfois, dans nos rencontres familiales. Si quelqu’un dans notre parenté nous reçoit avec éclat et grande gastronomie, nous serons gênés de les recevoir avec moins d’égards. Peut-être que nous n’avons pas les mêmes moyens que les hôtes plus fortunés. Peu importe, nous prenons les moyens pour qu’ils constatent finalement que nous aussi, nous pouvons recevoir en grand. Il est normal de sortir notre belle vaisselle, celle du dimanche, comme on disait autrefois. Ce qui est moins normal ou moins sain tout au moins économiquement, c’est de verser nous aussi dans les plats très raffinés, dans les fruits de mer ou les vins très chers ou au-dessus de nos moyens habituels.

Au moment où notre pays adoré ou détesté, reconnu ou ignoré, passionnant ou désolant, emballant ou étranger, accepté ou rejeté, alouette… célèbre ses cent quarante-trois ans, il y a certes lieu de nous questionner si ce « pêtage » ne s’applique pas aussi à cette vaste étendue qu’est le Canada. Tirant surtout ses origines colonisatrices de deux très grandes cultures d’hier et d’aujourd’hui que sont la France et l’Angleterre, l’enfant qui est né de cette union a toujours prétendu à une certaine noblesse en raison de ses parents, évidemment.

Le Canada a toujours voulu jouer dans la cour des grands même si, en dehors de sa vaste étendue, il n’est qu’un tout petit pays sur l’échiquier mondial. En plus de ses parents nobles, il s’enorgueillit d’être le voisin d’une des plus grandes puissances tant militaire qu’économique. En raison de son statut de voisin, il a toujours cherché à cultiver une grande amitié avec ce pays et à profiter le plus largement possible de sa richesse. Il a toujours voulu bénéficier aussi des festivités ou invitations mondaines de ces États-Unis.

En bon voisin, ce pays richissime n’oublie jamais l’ami moins fortuné, mais commode à l’occasion. Il veut toujours qu’il soit présent dans ses rencontres de jet-set. C’est ainsi que le Canada se retrouve fréquemment à la table des grandes puissances de notre monde, même s’il ne fait pas le poids à leurs côtés. Tous ces pays l’acceptent parce que c’est l’ami de l’Américain. C’est pourquoi ils trouvent rigolo quand le premier ministre retarde pour la photo de famille ou quand il essaie de se prendre pour un grand penseur de notre planète. Mais ce petit voisin, aussi charmant soit-il, a-t-il les moyens de jouer et de partager la cour des Grands?

Car c’est bien beau être reçu à la table des Grands, encore faut-il retourner l’ascenseur de temps à autre. Et si le Canada, qui se prend pour une grande nation, ne veut pas passer pour un peuple moins fortuné, il se doit d’en mettre plein la vue. Alors, il reçoit dans sa capitale économique, Toronto, avec toute la logistique de sécurité que cela implique. Il ne se contente pas de sortir la belle vaisselle et de nourrir avec goût ses hôtes. Même si ce si beau pays a de grandes et superbes choses à montrer à la planète toute entière, cela ferait trop « cheap » de ne montrer que cela. Alors, on crée pour l’occasion des décors artificiels, même un lac, alors que Toronto est tout juste à côté des Grands lacs.

J’en ai marre que mon peuple soit méprisé par ses politiciens. J’en ai marre que nous soyons tous conviés à débourser davantage pour les finances de notre pays parce que, paraît-il, notre dette est trop élevée, que nous n’avons les fonds nécessaires pour assumer les dépenses reliées à notre vie en collectivité, que nous vivons nettement au-dessus de nos moyens. Si tout cela est vrai, si nos dirigeants fédéraux ne se foutent pas de notre gueule, alors cessons de jouer dans cette cour des Grands. Soyons un pays plus modeste et plus cohérent!!! Nous serons tout aussi heureux que tous ces pays qui ne font pas partie du G-8 et du G-20.

Que le respect de mes concitoyens et concitoyennes du Canada passe au départ par la cohérence! 

Johnny Marre