C'est dans les normes! |
Johnny Marre |
Lundi, 04 Octobre 2010 |
Il est de plus en plus fréquent, quand nous questionnons ou que nous remettons en cause un projet ou le fonctionnement d’une entreprise, de nous faire répondre que tout va pour le mieux en ce bas monde puisque le projet ou l’entreprise est dans les normes. Comme si le mot norme était automatiquement synonyme de normal. Et pourtant… Dans le projet minier de la compagnie Niocan, dont je vous ai déjà parlé, cette entreprise plaide, depuis plus de quinze ans, la validité de son projet parce que toutes les analyses, à son avis, sont dans les normes. Elle a déjà menacé de poursuivre le gouvernement du Québec si le ministère de l’Environnement ne lui délivrait pas rapidement le certificat d’autorisation qui est le dernier feu vert pour concrétiser son rêve minier. À deux reprises, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) s’est penché sur ce projet très controversé. À deux reprises, ce BAPE a conclu que, grosso modo, le projet était dans les normes, mais que, si on sortait un peu de ces normes, le projet était questionnable et demandait des études plus poussées. Il faut préciser qu’à chaque fois, le BAPE portait sa réflexion sur les seules études menées par l’entrepreneur, des études donc nullement indépendantes. Comme certains l’ont souvent clamé, avec une telle logique, nous mourrons dans les normes. Quelle belle mort! Si le gouvernement du Québec n’a toujours pas donné son feu vert à Niocan et n’est pas pressé de le faire, ce n’est pas que le projet n’est pas dans les normes, mais c’est beaucoup plus que ce même gouvernement a compris depuis un certain nombre d’années qu’il n’y a pas que les normes dans la gouvernance d’un état. Le principe d’acceptabilité sociale n’était nullement une norme il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, le peuple exige de plus en plus que ce principe devienne la première norme, la plus importante d’entre toutes. Car ces chères normes qui devraient régir nos vies personnelles et collectives fluctuent dans l’histoire d’un peuple. Un exemple parmi tant d’autres : l’Assemblée nationale étudie présentement de timides modifications à la Loi sur les mines, ce qui va nuancer certaines normes, mais qui ne s’attaquera pas au problème fondamental qui veut qu’un propriétaire de claims miniers peut vous exproprier et installer sa mine chez vous. Pourquoi? Parce que si vous êtes propriétaire du terrain, vous n’êtes nullement propriétaire de son sous-sol. C’est donc la loi du « Tasse-toi, bonhomme! Je suis chez nous et il y a de la belle argent à faire (comme aurait dit Séraphin Poudrier!) ». Ce phénomène anormal, mais qui est dans les normes et conforme aux lois actuelles, des milliers de Québécois et de Québécoises le vivent actuellement dans le dossier du gaz de schiste. Notre cher gouvernement se veut rassurant en plaidant qu’il a donné mission au BAPE de faire enquête sur ce dossier et de lui indiquer justement les normes qui seraient acceptables pour permettre l’exploitation de cette richesse naturelle. Compte tenu du peu de temps à sa disposition, compte tenu de son propre bureau d’enquêteurs disparu depuis longtemps, compte tenu que le BAPE est un organisme qui a très mal vieilli et n’est plus le chien de garde de la qualité de notre environnement, les normes qui verront le jour auront uniquement pour but de tenter de mieux faire avaler cette richesse qui veut primer sur la plus grande de toutes, celle de la qualité de vie de tous les Québécois et Québécoises. J’en ai marre de ces piètres politiciens qui cherchent par tous les moyens à faire passer les intérêts d’entreprises avant l’être humain et son acceptabilité de ce qu’il veut pour la qualité de son environnement immédiat. Foutez-nous la paix avec vos normes souvent dépassées par l’évolution scientifique et sociale! C’est de notoriété publique que les gouvernants sont toujours en retard sur la volonté de sa population. Quand on est conscient d’une telle notoriété, il est hautement intelligent de prendre le temps d’écouter ce peuple. Si on croit que le peuple mérite d’aller plus loin et de grandir davantage, alors pourquoi ne pas prendre le temps qu’il faut pour l’instruire, pour le faire réfléchir intelligemment et pour rechercher son adhésion à nos projets de gouvernance pour un monde meilleur? Les normes ne doivent être qu’un outil parmi tant d’autres pour nous guider dans une prise de décision. Les normes ne doivent pas être une bible. Il doit y avoir une qualité de vie au-delà des normes. Il doit y avoir, en premier lieu, le respect de l’être humain et de son environnement à tous les points de vue. Que ce respect prime en tout temps sur les normes quelles qu’elles soient! Johnny Marre |