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Haro sur les riches? Imprimer Envoyer
Johnny Marre
Lundi, 31 Octobre 2011

La notion de riche en est une qui fluctue selon le temps. Au début des années soixante-dix, j’ai acquis ma première maison neuve, avec un terrain de 14 000 pieds carrés, pour une grosse hypothèque de quinze mille dollars, soit plus de deux fois mon salaire de jeune enseignant de l’époque. Aujourd’hui, même avec le salaire maximum d’un enseignant, environ soixante-dix mille dollars, il me faudrait certes trois fois et plus de ce salaire pour acquérir une maison neuve et mon terrain rapetisserait sans doute.

Il y a une quarantaine d’années, gagner cent mille dollars était considéré comme riche. J’avais un oncle, entrepreneur plâtrier, qui faisait probablement ce salaire annuel ou peut-être un peu moins. Il était effectivement considéré comme le mononcle riche de la famille. Seul lui pouvait se payer un voyage dans le Sud en hiver. Aujourd’hui, plusieurs y vont sans avoir ce revenu annuel. Maurice Richard, Félix Leclerc ou Olivier Guimont n’ont jamais connu une telle fortune annuelle. Tout coûtait moins cher, mais les salaires étaient trop en conséquence. Quand je dis à mes petits-fils que je gagnais 0,65$ de l’heure, dans les années soixante, pour travailler l’été à la Coronation de Sainte-Thérèse, ce qui faisait une enveloppe de paie d’environ 25$ pour quarante heures de travail, ils ont de la difficulté à s’imaginer eux travaillant pour un si petit salaire. Donc, tout est relatif. Il n’y a pas si longtemps, dans notre société capitaliste, gagner un million à une loterie, c’était un avenir financier hautement assuré. Il était alors possible de dire Bye! Bye! Boss!. Aujourd’hui, c’est presque devenu banal de gagner un million parce que c’est moins possible d’envoyer promener le patron. Il suffit d’un calcul rapide pour constater avec lucidité que ce million, à la condition de ne pas y toucher en folles dépenses préalables, placé à 5%, ne rapporte que cinquante mille dollars par année, ce qui est de moins en moins un revenu faramineux pour vivre dans l’abondance toute une année et se permettre de nombreux voyages un peu partout sur notre belle planète. Ce n’est pas pour rien que nous ne parlons plus de millionnaires comme exemples de riches, mais plutôt de milliardaires. Bientôt, nous parlerons de billionnaires ou de trillonnaires.

Il est évident que notre système capitaliste a perdu le nord. Les spéculateurs en sont responsables pour une bonne partie. Pendant que la liste des millionnaires s’allonge d’année en année, il y a de plus en plus de gens qui vivent dans la pauvreté ou qui doivent travailler durement pour rejoindre les deux bouts à la fin de chaque mois. Cette situation hautement déplorable a pour conséquence que des indignés descendent dans la rue pour occuper Montréal ou Wall Street. Ces campements urbains veulent dénoncer, non sans raison, la dérive actuelle du système financier, tant local qu’international, où la richesse ne se retrouve que dans les mains d’une infime partie de la population. Ces hommes et ces femmes réclament une meilleure répartition de la richesse, tant nationale que mondiale. Il est clair que le système capitaliste ne peut plus continuer ainsi sans courir à sa perte. Les riches doivent redonner davantage à la société, même Warren Buffet est d’accord.

Toutefois, dans cette même logique, il ne faudrait pas trouver normal qu’un dirigeant d’entreprise ou de banque, un joueur de hockey, une star du cinéma, un humoriste gagnent un million et plus par année. Il ne faudrait pas trouver normal que le billet pour un spectacle de Patrick Huard ou d’un autre humoriste québécois coûte plus de cinquante dollars (même en rodage!), alors qu’avec toute l’infrastructure et le personnel que cela nécessite Cavalia ou le Cirque du soleil coûte à peine le double. Il ne faudrait pas trouver normal que lorsque Charles Aznavour (que je pouvais aller voir avec un salaire d’étudiant autrefois) ou quelque autre vedette internationale vient nous rendre visite, il faille débourser une petite fortune pour avoir accès à leur spectacle. Vous comme moi, nous pourrions facilement allonger cette liste pourtant très locale.

J’endosse à 100% le discours ou les revendications de base des indignés de Wall Street, de Montréal ou d’ailleurs. Ils et elles exigent une refonte en profondeur des assises de notre système capitaliste pour une répartition plus équitable de la richesse. Qui peut être contre cela, à part des riches qui veulent toujours en engranger de plus en plus? Si c’est le cas, alors cessons de trouver normal et d’encourager ces joueurs de hockey ou ces athlètes aux salaires faramineux! Cessons de trouver normal et d’encourager ces humoristes et leur machine de production qui exigent des billets à la hausse! Cessons d’applaudir les hauts dirigeants d’entreprise qui exploitent leurs employés ou qui en font de même avec nous sur le principe de l’offre et de la demande. Cessons! Cessons! Pouvons-nous chercher un seul instant à tendre vers une certaine cohérence?

Personne ne me fera accepter qu’il soit normal qu’un quelconque individu, peu importe son statut ou son secteur d’activités, peu importe son talent ou son génie, ait un revenu supérieur à plus de dix fois le salaire moyen de l’ensemble des travailleurs et travailleuses dans un pays donné. Et encore là, je me trouve très large d’esprit de limiter un revenu annuel à seulement dix fois. Si c’était le cas, le reste pourrait être moins une course aux prix de plus en plus exagérés.

Les indignés rêvent-ils en couleurs? Ils rêvent sûrement en couleurs si nous croyons que ce ne sont que des chiâleux ou des parasites, si nous préférons admirer les millionnaires et leur sky is the limit!

Johnny Marre