Ne me dérangez pas ! |
Johnny Marre |
Lundi, 02 Avril 2012 |
C’est dans la nature humaine de ne pas aimer être dérangé. Même les animaux ne l’apprécient guère. Il faut dire que les occasions de l’être sont tellement grandes dans une seule journée. C’est donc peut-être normal que nous voulions nous protéger de ces intrusions non désirées dans notre petite bulle personnelle. Il faut reconnaître également que notre taux de tolérance est très variable selon les individus. Ce qui tape sur les nerfs de l’un peut très bien amuser ou laisser indifférent quelqu’un d’autre. Le réveille-matin est, pour plusieurs d’entre nous, le premier dérangement, le premier irritant de la journée. Puis, sans vraiment prendre de repos, il y aura une multitude d’autres agacements qui viendront essayer de mettre à l’épreuve la limite de notre patience. Cris ou pleurs d’un enfant, un ordinateur qui fait des siennes sans avertissements, un voisin qui vient de décider de tondre si tôt son gazon ou de bricoler à l’extérieur, un fond insuffisant du contenant de lait, un autre embouteillage sur la route du travail, alouette, et la journée est partie. C’est donc peut-être un peu normal que plus la journée n’avance, moins notre sac à dérangements peut en prendre. C’est ainsi que, sur le chemin du retour du travail ou lors de nos premiers moments dans notre intimité, le vase est le plus souvent plein, la marmite surchauffe et notre impatience se manifeste sans raison valable pour le petit dérangement qui vient juste de se produire, mais qui est celui qui est de trop. Car, en fait, les dérangements, pris un par un, sont pour la plupart insignifiants. Toutefois, un dérangement n’a pas le quotient intellectuel pour juger du bon moment afin de se manifester. Problématique. Pour tout dire, il y a plusieurs catégories de dérangements. Il y a ceux insignifiants qui forment le lot le plus important et qui a la méchante habitude de s’empiler les uns sur les autres, sans éliminer automatiquement les précédents. Puis, il y a ceux qui, de toute façon, nous tombent immédiatement sur les nerfs dès leur apparition. Il y en a de ces dérangements qu’on dirait que nous ne leur aimons pas la face ! Personnellement, que des gens parlent au cinéma, cela m’irrite au plus point pour les raisons que je vous ai déjà expliquées lors de mon premier blogue. Des cris ou des pleurs d’enfant, sans vraiment en connaître la cause, me mettent rapidement hors de moi, car j’ai besoin de savoir immédiatement qui suscite ou encourage cette détresse enfantine. Vous aussi, vous avez de ces dérangements de deuxième catégorie. C’est peut-être ce voisin qui fait trop souvent du bruit à des heures inopportunes, ou ce proposé au bout du fil avec son insuffisance. Serait-ce plutôt ce patron ou ce collègue de travail qui ne cesse de se prendre pour un autre ? Ou cette caissière de Métro ou ce vendeur d’Honda qui semble vous prendre pour un demeuré ? Pourquoi vous ne me le laisseriez pas savoir en quelques mots via la petite boîte de commentaires sous ce blogue ? En même temps, cela me permettrait de savoir s’il n’y a pas que monsieur Bou et ma conjointe qui me lisent. Tout étant capable de parfaitement comprendre l’irritation que peut provoquer tout dérangement en soi, c’est lorsqu’on cherche à récupérer ce dérangement pour dénigrer une cause, que moi, je décroche. Un exemple, on ne peut plus actuel, est la grève étudiante. Dans leurs multiples manifestations publiques, mettant en cause des centaines, voire des milliers de participants, dont il est impossible de contrôler le comportement de chacun, il est inévitable (et n’est-ce pas le propre d’une jeunesse vivante ?) qu’il y ait ce qu’on appelle des débordements. Évidemment, tout ce qui est de la casse est à condamner. Toutefois, qu’un groupe d’étudiants décide de prolonger leur marche sur un pont ou une route achalandée, ce qui a pour effet de paralyser momentanément la circulation ou de la détourner, y a-t-il vraiment de quoi crier au scandale, à la perturbation sociale et exiger une dénonciation de ces actes par les autorités des associations étudiantes ? Respirons un peu par le nez quelques instants, chers collègues blogueurs ! Quand c’est le Festival de Jazz ou Juste pour rire qui font fermer des rues de Montréal pour permettre leurs activités, quand c’est le ministère des Transports, en raison de sa saine gestion de nos routes, qui sèment des milliers de cônes oranges, quand on ferme le pont Jacques-Cartier pour permettre la tenue de feux d’artifices, quand on fermera avec raison de nombreuses rues de Montréal pour permettre le 22 avril le plus grand rassemblement populaire en faveur de la Terre, est-ce qu’il faudra crier au scandale et dénoncer ces dérangements sociaux ? Sûrement pas ! Alors, pourquoi faire de la démagogie sur le dos des étudiants ? Un pont ou une route momentanément paralysé, c’est loin d’être la fin du monde. Car, en dehors de nos petits dérangements personnels quotidiens, il y en a plusieurs autres dérangements pour lesquels il y aurait vraiment lieu de crier au scandale, de s’indigner et d’exiger davantage de respect. La gouvernance à la Harper, le refus de négocier à la Charest et à la Beauchamp, la fermeture sauvage d’entreprises ou leur mise en lock-out, n’est-ce pas, parmi tant d’autres, des sujets vraiment dignes de nous sentir hautement dérangés ? Alors, mettons davantage les choses en perspective. Notre jeunesse en sortira beaucoup plus engagée et moins individualiste. Johnny Marre |