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Nov 21st
Le party est dans l'église Imprimer Envoyer
Opinion
Écrit par Pierre Lauzon   
Dimanche, 17 Avril 2011

Alors que l’hiver exprimait, en cette mi-avril, tout son désespoir de devoir nous quitter et rendait les routes presque impraticables, alors que les Canadiens de Montréal se préparaient à savonner une deuxième fois les Bruins de Boston, alors que tout ou presque nous invitait à rester dans le confort de notre foyer, une centaine de personnes ont répondu à l’invitation de notre diffuseur laurentien, les Diffusions Amal’Gamme, à venir s’imprégner d’une énergie plus que printanière avec le quintette Kleztory.

Cette formation de musique klezmer dynamise le Québec et ailleurs depuis déjà neuf ans, avec sa musique si stimulante. La musique klezmer est celle des musiciens juifs itinérants qui, parcourant l’Europe de l’Est aux 19e et 20e siècles, puisaient leur inspiration à toutes les sources des musiques populaires locales et les intégraient à leur vocabulaire musical si typique, plein d’humour, de joie et de mélancolie mélangés, issu d’une histoire riche et souvent tragique. Quand on est un peuple sans pays encore et avec un destin aussi tragique, on ne peut faire autrement que de rechercher une dynamique dans notre musique pour mieux faire taire toute la tristesse qui veut nous envahir. À l’instar des Noirs, esclaves aux Etats-Unis, qui se sont donné des chants et des musiques teintés de leurs souffrances, mais aussi et surtout de leur volonté de vivre, ces juifs itinérants ont créé la musique klezmer pour transcender leur destin.

C’est beaucoup plus à une musique juive que tzigane que nous avons eu droit dans la salle de l’église Saint-François-Xavier de Prévost. Même si le porte-parole de ce quintette a tenté de préciser que ce n’était pas de la musique israélienne, le public pouvait difficilement dissocier et faire abstraction de sa connaissance qu’il a de la musique d’origine juive. Pour le profane, que la musique klezmer date d’avant ou non de la création de l’état d’Israël ne change rien au fait que cette musicalité a de profondes racines et résonances juives.

L’humour dans cette musique est non seulement parsemé ici et là un peu partout dans ses compositions, mais on la retrouve également dans les interprétations et dans les présentations de l’accordéoniste du groupe, Henri Oppenheim, le seul juif du groupe, un humour fin et intelligent qui a fait le bonheur de tous ceux et celles qui étaient présents dans la salle des Diffusions Amal’Gamme. Le bonheur qu’ont ces quatre musiciens et cette musicienne à s’amuser sur scène est on ne peut plus contagieux pour le public.

En plus de notre accordéoniste, il y a Airat Ichmouratov, d’origine russe, à la clarinette, un instrument qui occupe une place très importante dans la musique klezmer et dont notre interprète ne se gêne pas pour lui donner toute la place qui lui revient. À la contrebasse, il y a Mark Peetsma, un musicien aux multiples projets, qui sait donner la touche subtile comme tout bon contrebassiste.

À la guitare, c’est Alain Legault, le seul québécois d’origine du groupe, qui a fait preuve à plusieurs reprises d’une très grande virtuosité et a su soulever l’enthousiasme des gens présents et tirer le meilleur de son instrument. Tout comme la clarinette, le violon occupe une place de premier plan dans la musique klezmer. Elvira Misbakhova, d’origine russe également, est la violoniste habituelle du quintette. N’ayant pu être de ce rendez-vous à Prévost, c’est Anna (vous me pardonnerez d’avoir oublié son nom de famille aussi simple que les autres) qui a su relever de main de maître ce grand défi. Si on ne nous avait pas dit que ce n’était pas Elvira qui était au violon, mais plutôt Anna, personne ne s’en aurait rendu compte, tellement elle semblait faire partie du groupe depuis le début.

C’est donc avec cette musique festive que nous avons tous et toutes passé une soirée très agréable. N’eût été des chaises qui occupaient toute la place de la salle de spectacle, il y en a sûrement qui auraient eu le goût de se lever et de danser comme des juifs en liesse. Le party était dans l’église et ça dansait au moins dans la tête des gens. Seize pièces musicales de cet univers klezmer nous ont été offertes pour notre plus grand plaisir.

Le président des Diffusions Amal’Gamme, monsieur Yvan Gladu, nous disait en présentation d’ouverture de ce rendez-vous musical, que, malgré les contraintes que la température ou les séries éliminatoires, entre autres, auraient pu nous empêcher d’aller à la rencontre du quintette Kleztory, nous allions savoir d’ici la fin de la soirée ce que nous aurions manqué si nous avions préféré rester à la maison. Monsieur Gladu avait parfaitement raison. Passer outre à Kleztory, c’est passer outre à un des grands bonheurs de la vie.

Quand nous sommes sortis de la salle de spectacle, la réalité hivernale nous a tristement ramené à l’ordre, mais au moins Kleztory nous l’avait fait complètement oubliée le temps d’une couple d’heures. Comme quoi la musique est plus forte que les sautes d’humeur d’un hiver qui est tout malheureux de nous quitter au point de nous laisser toutes les larmes de son corps!

Pierre Lauzon       
Les éditions Pommamour