Un piano heureux |
Opinion |
Écrit par Pierre Lauzon |
Lundi, 21 Novembre 2011 |
Je ne suis pas un instrument de musique. Heureusement pour l’avenir de cet art ! Mais je présume que si j’en étais un, je n’espèrerais qu’une chose : m’abandonner entre les mains d’un artiste pour qu’il me fasse vibrer à la hauteur de mon potentiel. Samedi dernier, dans la salle des Diffusions Amal’Gamme, à Prévost, il y avait ainsi un piano tout neuf qui attendait sagement son artiste, Lucille Chung. Si son prédécesseur lui avait probablement dit qu’il était apparu prodigieux lors de la dernière visite de madame Chung dans cette même salle, lors du congé de l’Action de grâces, l’année dernière, il savait pertinemment et en toute humilité qu’un piano n’est prodigieux que si l’artiste est elle-même prodigieuse. C’est donc avec un certain trac qu’il attendait fébrilement ce rendez-vous musical. Il en était de même pour le public. Tout aussi nombreux que lors de la dernière visite de madame Chung, il avait hâte de voir et d’entendre la différence entre ce jeune piano fringant et celui vieillissant d’auparavant. Il ne fut pas déçu. En fait, c’est un peu comme lorsque nous n’avions pas encore connu la télé en HD. Notre télévision en couleurs nous apparaissait parfaite jusque-là. Maintenant que nous connaissons la HD, nous ne voudrions pas retourner à notre bonne vieille télé d’une époque déjà révolue. En ce samedi soir de novembre, le public, même ceux et celles qui n’ont pas l’oreille musicale, a pu se rendre compte, dès les premières notes, de la réelle différence. Le son était plus pur, plus cristallin. Ce n’était pas la conception de la salle qui avait changé. C’était tout simplement le piano avec toute sa jeunesse. Saviez-vous que l’artiste invitée à étrenner ce si bel instrument, Lucille Chung, est née à Montréal ? Elle parle couramment six langues et se produit un peu partout à travers le monde. Alors qu’elle a fait montre de son immense talent, en 2011, en Europe, aux États-Unis et au Canada, c’était en ce samedi son seul et unique concert en terre québécoise pour cette année. Elle avait choisi Prévost pour ce faire. C’est dire tout l’attachement qu’elle a pour notre diffuseur laurentien. Ses parents qui habitent Montréal et qui n’ont donc pas souvent la chance de voir leur fille en prestation, étaient présents à Prévost et très heureux de constater l’admiration de tout le public. Quand le Sunday Time de Londres l’acclame comme « une grande artiste, admirée pour son choix audacieux de répertoire », force est de constater que Lucille Chung ne nous avait pas concocté un menu musical de second ordre. Vouloir s’attaquer, le mot n’est pas exagéré, à des œuvres majeures comme Mozart, Schumann et surtout Franz Liszt, il faut avant tout avoir un très grand talent pour le faire. Le piano était sûrement très heureux des œuvres qu’elle lui offrait et qui lui permettait de se mettre pleinement en valeur. Tout comme lors de sa dernière visite, madame Chung a séduit littéralement son public. Sans aucune partition devant elle, elle ne s’est pas en fait attaquer à ses œuvres. Elle a démontré encore une fois qu’elle fait plutôt corps avec l’œuvre, qu’elle la vit. Elle s’en pénètre pour mieux nous en transmettre tout autant l’extrême douceur que toute la fougue de la création de ces grands maîtres de la musique. Samedi soir, il n’y avait que quatre œuvres au programme, mais quelles œuvres ! Après nous avoir laissé bercer et emporter par un Rondo de Mozart, un Opus de Schumann et la Paraphrase sur Rigoletto de Verdi revue par Franz Liszt, Lucille Chung nous a démontré toute l’étendue de son talent avec une seule œuvre, une Sonate de Liszt, en deuxième partie. Cette création musicale qui dure une trentaine de minutes est déjà un tour de force en soi. Il a fallu du génie pour composer une telle œuvre aussi dense et variée. Toutefois, il faut du talent hors de l’ordinaire pour être en mesure de livrer à sa juste mesure le génie de l’auteur. Lucille Chung est de cette classe d’artistes. Petit détail qui n’a rien à voir avec l’artiste et le menu musical : tout le public présent samedi soir, de la première à la dernière rangée, est venu entendre madame Chung, mais aurait voulu bien la voir faire vibrer le merveilleux piano. Petite suggestion à notre diffuseur laurentien : comme la salle n’est pas en pente, serait-il possible de surélever la scène ? Ou il y aurait sans doute possibilité d’accrocher un grand miroir incliné en fond de scène mettant en valeur le clavier, si ce n’est un grand écran avec une caméra fixe sur ce clavier. Je sais que c’est encore une dépense et de l’ouvrage supplémentaire. Toutefois, je n’ai aucun doute que notre diffuseur laurentien, qui cherche sans cesse à repousser les limites de son offre musicale, saura trouver une solution dans un proche avenir à ce problème en soi mineur, mais qui rendra son public encore plus heureux de répondre à ses invitations. Le problème est surtout présent quand un ou une pianiste est au rendez-vous. Je ne suis pas un instrument de musique, mais samedi soir dernier, comme j’aurais été heureux d’avoir une artiste de renommée internationale comme Lucille Chung pour mettre en valeur toute la richesse de mes sonorités ! Comme quoi, le bonheur n’a pas besoin d’être compliqué ! Pierre Lauzon P.S. : Notre diffuseur laurentien vous convie à son Exposition annuelle des artistes et artisans à l’école de Prévost, les 3 et 4 décembre prochains. J’y serai au kiosque des Éditions Pommamour. Venez me dire bonjour ! |